Pour lire la première partie, c'est ici :  Berghain : Nein

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Un samedi de février, je tente pour la huitième fois.
Un groupe de potes est en visite.
Le week-end fut violent. 

Tresor, Suicide Circus, Kit Kat Club : un enchaînement remarquable.
Finir en beauté par la Berghain s'impose.

Problème. Cette soirée rassemble le gratin des DJs pour une nuit très attendue. 
Klock, Dettmann, Fengler, tous les residents sont de sortie.
La sélection n'en sera que plus rude.
C'est comme si après avoir échoué plusieurs fois à pénétrer cette forteresse, un obstacle supplémentaire se dressait, la rendant encore moins accessible.

Le chemin étant désormais familier, nous croisons la file de taxis docilement alignés à proximité.

Tels des charognards ils attendent les victimes certaines du bourreau Sven.
Nous découvrons avec stupeur un amas de gens sans précédent.
Honte à nous, nous décidons de gruger lamentablement.
Avec un talent comparable à Steven Seagal, nous feignons rechercher quelqu'un.
Nous nous insérons l'air de rien.
Une Française nous fait remarquer que nous sommes des gros veaux.
Je me sens comme un enfant pris sur le fait.
Mais la sucette déjà en bouche, il est trop tard pour y renoncer.
Nous lâchons quelques excuses aussi plates que vaseuses mais nous restons à notre place.


Nous sommes à 20 min du verdict.
Deux filles sont à mes côtés, je suis habillé en noir, je n'ai pas de capuche.
Jamais eu autant d'atouts de mon coté.
Le groupe juste devant nous se fait balayer d'un revers de main tatouée.
Leurs mines déconfites font remonter à la surface de récentes terreurs nocturnes.
Je laisse les filles se mettre en valeur et reste donc légèrement en retrait.
Sven fait durer le suspense et nous fait patienter plusieurs minutes en silence.

Il nous indique finalement une direction qui m'était jusque-là inconnue.
Une voix puissante crie victoire en mon for intérieur, 

Je reste néanmoins de marbre lorsque je frôle le visage balafré de mon ancien bourreau avant de m'enfoncer dans les entrailles du club.

Une masse chauve aux yeux suspects me fouille consciencieusement.
J'acquiesce docilement lorsqu'il m'avertit d'un oeil sec que la prise de photo est criminelle.

Nous accédons enfin au dancefloor après avoir gravi un escalier en zigzague.
La hauteur de plafond rend la perspective étourdissante. 

Le poster central est révélateur. Un individu courbé montre son orifice.
C’est à l’image du lieu : un endroit sombre qui doit être exploré avec précaution.
Je contemple longuement le spectacle qui s'offre à moi. 
J'en profite au cas où Sven me rattrape pour me dire qu'il s'est trompé.

La musique est bonne, excellente même.
Les Funktion One, en plus de l'architecture si particulière de la salle, permet un rendu sonore spectaculaire.
Délicieusement puissant mais incroyablement pur.
La foule est follement réceptive et en symbiose avec l'artiste
Je me dis finalement que cette sélection à l'entrée, à la limite de la barbarie, a l'avantage de garder un public passionné.
Tout le monde applaudit à la fin des sets. Fait assez rare pour être souligné.
Après plusieurs heures à s'agiter sur cette techno de qualité, je me lance dans mon hobby favori.
Partir à la découverte de la boîte.
Je demande où se situe le LabOratory juste pour être sûr de ne pas descendre le mauvais escalier.
En parcourant les différents dédales, je remarque une population hétéroclite désarmante.
Bretelle-moustache, trash-sado, cuir-dentelle ou nu, chacun se révèle tel qu'il est.
C'est aussi ça Berlin.
Tous les supposés excentriques, marginaux ou originaux s'y rassemblent.
Tout le monde les accepte, ou tout du moins s'en fout.
Je tombe sur une rangée des fameuses darkrooms.
Les activités qui s'y passent sont diverses et variées.
Certains se reposent, dorment même, d'autres discutent, plusieurs s'emboitent.
Un chauve inspire frénétiquement sa poussière blanche, face contre terre, pendant que son coéquipier lui martèle l'arrière.
C'est comme déambuler dans une galerie où les tableaux se dévoilent les uns après les autres.
Chacun révèle une scène surprenante et singulière.
Ici, ce sont des cloisons qui séparent ces peintures surréalistes.

L'appel de la vessie me pousse à visiter les toilettes.
Malgré la farandole de chiottes, un seul connaît un succès particulier.
On se croirait à la boulangerie un dimanche matin.
Une dizaine de personnes patientent tranquillement en faisant la queue pendant que les autres restent jalousement inoccupés.
Parce que oui, inutile de vous dire que si certains tiennent la soirée sur 3 jours, ce n'est pas de manière naturelle.
Je vous laisse imaginer la foule de hiboux que vous fera face si vous allez vous y balader un Dimanche soir.
En ayant assez vu, je pars explorer le dernier étage, le Panorama Bar.
Moins violent à première vue.
Une population plus conventionnelle, toute proportion gardée.
Un personnage tout droit sorti de Trainspotting transpire à grosses gouttes.
Les yeux creusés et vitreux. Le visage jauni par la fatigue et les produits.
Il s'effondre à intervalles réguliers mais se relève inexorablement?
Je n'ose imaginer le nombre d'heures successives que son corps vient d'enchainer.
Un corps dont les limites ont été largement dépassées mais qui parvient à survivre artificiellement.

Il est 9H, les salles ne désemplissent pas.
L'expérience fut à la hauteur de mes espérances mais il est temps de revoir le jour.